♎ Jacques Le Goff : Le rire… sous contrôle de l’Eglise au Moyen Age

Publié le par Maltern

Jacques Le Goff : Le rire… sous contrôle de l’Eglise au Moyen Age

 

Jacques Le Goff , dans son passionnant recueil pour un autre moyen Age fait du rire un objet d’histoire à part entière.  

   « En dehors de ces appréciations globales ‑ et contradictoires ‑ des rapports entre l’homme et le rire, le christianisme a de bonne heure tenté de définir la place du rire dans l’éthique chrétienne, dans la cité chré­tienne, comme dans le mode de vie de cet homme nouveau, le chrétien.

 

   Le premier grand texte réglementaire chrétien sur le rire est le chapitre v du Livre Il du Pédagogue de Clément d’Alexandrie - mort vers 215. Clément chasse les fauteurs de rire de la république en une attitude plato­nicienne qui continue d’ailleurs le refus par le philosophe grec du rire qui conduit aux actions basses.

 

  Cette compromission du rire avec le bas est un des legs d’une tradition philosophique antique au christianisme, plus encore porté que les philo­sophies anciennes à privilégier le haut par rapport au bas. Plus généra­lement, Clément condamne le rire comme le propre des bouffons, ces personnages que la cité chrétienne doit expulser avec tous les types méprisables et scandaleux du théâtre païen : acteurs, mimes, bouffons. Le chrétien doit donc éviter à plus forte raison de faire le bouffon en riant. Rire et gesticulation sont emportés par la condamnation sans appel de tout ce qui est lié au théâtre. Le rire est la souillure du « plus précieux des biens qui sont dans l’homme »: la parole qui se déshonore dans le rire.

 

  Clément propose donc ‑ tout en rappelant la formule aristotélicienne du rire comme propre de l’homme ‑ une sévère réglementation du rire auquel il faut « mettre un frein », qu’il faut faire servir à l’équilibre de l’âme, non à son dérèglement qui doit être soumis à la raison qui est plus encore la caractéristique de l’homme. Le rire licite c’est le sourire - meidiama , «rire des sages». La femme doit éviter de rire comme une prostituée, l’homme comme un proxénète. Clément ébauche toute une casuistique du rire qui doit faire face à des choses honteuses ou affligeantes, faire place à la honte et à la tristesse, qui ne doit pas être continuel, qu’on doit refréner en présence des gens respectables ou non familiers, en certains lieux et en certaines circonstances, et qui est parti­culièrement peu recommandable chez les adolescents et les femmes. Au loin le rire lié au libertinage, à l’obscénité, à l’ivrognerie. Le rire fait fuir la raison et s’éveiller «les passions monstrueuses». Le rire, acoquiné par les chrétiens avec les excès de parole et de boisson dans les festins, conduit l’anthropologie chrétienne à lier les «manières de rire» aux « manières de table ».

 

  

 

 

Des extraits de ce texte essentiel pour ceux qui s’intéressent à l’anthropologie du geste, à la fabrique du culturelle du corps, à la question de « l’expression » ou des modes de communication non verbaux.

  

 

 

Vous le trouverez au lien suivant :

Le Goff : le rire... sous contrôle de l'Eglise au  Moyen Age :

 

En guise de sommaire, les Intertitres que nous avons placé :
 

- Celui qui rit, celui dont on rit, celui ou ceux avec qui on rit : le rire comme théâtre

- Le pouvoir de l’Eglise et la codification du rire défendu ou permis, vice ou vertu ? La question du rire de Jésus…

- L’exemple de la solution de Saint Louis, le « roi plaisantin » : ne pas rire le vendredi… 

- Réintégrer dans l’histoire, l’histoire des attitudes face au corps

- Le rire un vice ennemi du moine dont il brise le silence taciturne…

- Le rire exprime aussi le vice d’orgueil face à la vertu d’humilité

- Un étonnement : dans ses explications du rire Freud ne prends pas en compte le corps, le phénomène physiologique

- L’Ancien Testament reconnaît le rire. Isaac veut dire « le rire »  

- Le sourire est-il une invention du moyen âge ?

- Le gab, un exemple de rire communautaire

- Les codifications monastiques du rire.


 

 

 




Publié dans 08 - LA CULTURE

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