Hume [06] La justice comme obligation suppose du jugement et ne se confond pas avec la bienveillance instinctive. La morale ne peut se fonder sur l’instinct.

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Hume [06]  La justice comme obligation suppose du jugement et ne se confond pas avec la bienveillance instinctive. La morale ne peut se fonder sur l’instinct.

 

« Nos devoirs moraux sont de deux espèces. La première comprend ceux où nous sommes portés par un instinct naturel, par un penchant immédiat, qui agit en nous indépendamment de toute idée d’obligation, de toute vue relative, soit au bien public, soit au bien particulier. De cette sorte sont l’amour pour nos enfants, la reconnais­sance envers nos bienfaiteurs, la compassion pour les infortunés. En réfléchissant aux avantages que la société retire de ces instincts, nous leur payons le juste tribut de l’approbation et de l’estime morale ; mais celui qui en est animé, sent leur pouvoir et leur influence antécédemment à toute réflexion.

Les devoirs renfermés sous la seconde espèce ne sont point fondés sur cet instinct originaire ; nous nous recon­naissons obligés de les pratiquer, après avoir considéré les besoins de la société humaine, et combien il est impossible qu’elle subsiste lorsque ces devoirs sont négligés. C’est ainsi que la justice, qui consiste à s’abs­tenir du bien d’autrui, et la fidélité, qui consiste à tenir ses promesses, deviennent obligatoires et prennent de l’auto­rité sur nous. Comme chacun d’entre nous a plus d’amour propre que d’amour pour ses semblables, nous sommes tous naturellement portés à faire autant d’acquisitions qu’il nous est possible ; il n’y a que l’expérience et la réflexion qui puissent nous arrêter, en nous montrant les pernicieux effets de cette licence, et la société prête à se dissoudre, si elle n’est pas réprimée. Ici donc, le penchant naturel est réfréné par le jugement et par la réflexion ».

[David Hume, « Le contrat primitif », in Essais politiques, Vrin, 1972.]

 

72 * La justice comme obligation suppose du jugement et ne se confond pas avec la bienveillance instinctive. La morale ne peut se fonder sur l’instinct.

 

« Nos devoirs moraux sont de deux espèces. La première comprend ceux où nous sommes portés par un instinct naturel, par un penchant immédiat, qui agit en nous indépendamment de toute idée d’obligation, de toute vue relative, soit au bien public, soit au bien particulier. De cette sorte sont l’amour pour nos enfants, la reconnais­sance envers nos bienfaiteurs, la compassion pour les infortunés. En réfléchissant aux avantages que la société retire de ces instincts, nous leur payons le juste tribut de l’approbation et de l’estime morale ; mais celui qui en est animé, sent leur pouvoir et leur influence antécédemment à toute réflexion.

Les devoirs renfermés sous la seconde espèce ne sont point fondés sur cet instinct originaire ; nous nous recon­naissons obligés de les pratiquer, après avoir considéré les besoins de la société humaine, et combien il est impossible qu’elle subsiste lorsque ces devoirs sont négligés. C’est ainsi que la justice, qui consiste à s’abs­tenir du bien d’autrui, et la fidélité, qui consiste à tenir ses promesses, deviennent obligatoires et prennent de l’auto­rité sur nous. Comme chacun d’entre nous a plus d’amour propre que d’amour pour ses semblables, nous sommes tous naturellement portés à faire autant d’acquisitions qu’il nous est possible ; il n’y a que l’expérience et la réflexion qui puissent nous arrêter, en nous montrant les pernicieux effets de cette licence, et la société prête à se dissoudre, si elle n’est pas réprimée. Ici donc, le penchant naturel est réfréné par le jugement et par la réflexion ».

[David Hume, « Le contrat primitif », in Essais politiques, Vrin, 1972.]

 

Publié dans 24 - Justice et Droit

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