CAILLOIS Roger 1913-1978 [01] Le sentiment d’un sacré distinct du profane est le critère universel de l’attitude religieuse.

Publié le par Maltern

CAILLOIS Roger 1913-1978 [01] Le sentiment d’un sacré distinct du profane est le critère universel de l’attitude religieuse.

 

[L'analyse du sentiment religieux du sacré qui fonde les institutions, les rites et les interdits dans lesquels il s’incarne. Le sacré a pour principal caractère d’effectuer une bipolarisation du monde vécu. Ce sentiment du sacré, critère nécessaire bien qu’insuffisant de l’attitude religieuse, la place en-dehors ou au-delà de la raison.]

 

 

 

 « Toute conception religieuse du monde implique la distinction du sacré et du profane, oppose un monde où le fidèle vaque librement à ses occupations, exerce une activité sans conséquence pour son salut, un domaine où la crainte et l’espoir le paralysent tour à tour, où comme au bord d’un abîme, le moindre écart dans le moindre geste peut irrémédiablement le perdre. A coup sûr, pareille distinc­tion ne suffit pas toujours à définir le phénomène religieux, mais au moins fournit-elle la pierre de touche qui permet de le reconnaître avec le plus de sûreté. En effet quelque définition qu’on propose de la religion, il est remarquable qu’elle enveloppe cette opposition du sacré et du profane, quand elle ne coïncide pas purement et simple­ment avec elle. A plus ou moins longue échéance, par des intermé­diaires logiques ou des constatations directes, chacun doit admettre que l’homme religieux est avant tout celui pour lequel existent deux milieux complémentaires : l’un où l’on peut agir sans angoisse ni tremblement, mais où son action n’engage que sa personne superfi­cielle, l’autre où un sentiment de dépendance intime retient, contient, dirige chacun de ses élans et où il se voit compromis sans réserve. Ces deux mondes, celui du sacré et celui du profane, ne se définissent rigoureusement que l’un par l’autre. Ils s’excluent et ils se supposent. On tenterait en vain de réduire leur opposition à quel­que autre : elle se présente comme une véritable donnée immédiate de la conscience. On peut la décrire, la décomposer en ses éléments, en faire la théorie. Mais il n’est pas plus au pouvoir du langage abs­trait de définir sa qualité propre qu’il ne lui est possible de formuler celle d’une sensation. Le sacré apparaît ainsi comme une catégorie de la sensibilité. Au vrai, c’est la catégorie sur laquelle repose l’atti­tude religieuse, celle qui lui donne son caractère spécifique, celle qui impose au fidèle un sentiment de respect particulier, qui prémunit sa foi contre l’esprit d’examen, le soustrait à la discussion, la place au-dehors et au-delà de la raison. »

 

[Roger Caillois, L’Homme et le Sacré, 1950, « Folio essais », Gallimard, 1988, p. 23-24.]

 

 

Publié dans 12 - Religion

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