♏ - Méthodes de travail et de la réflexion, en dialogue avec les auteurs.
♏ Méthodes de travail et de la réflexion, en dialogue avec les auteurs.
*Plutarque (66-120 ap. J.-C.) nous apprend à écouter : Qu’est-ce qu’une écoute attentive et comment la favoriser ?Sur la manière d’écouter.
« Aussi, en raison de la grande utilité et du danger non moins grand que l’audition présente à la jeunesse, je pense qu’il est bon de converser fréquemment sur cette matière en méditant ou en dialoguant. Or, à cet égard, combien de gens se font du tort, parce qu’ils veulent s’exercer à discourir, avant d’avoir su tirer les fruits d’une leçon d’écoute. Ils se figurent que l’usage de la parole requiert apprentissage et pratique tandis que l’audition, elle, est une éternelle source de profit, quelle que soit la manière de s’en servir. Pourtant, ceux qui veulent bien jouer à la paume n’apprennent‑ils pas à recevoir et à renvoyer la balle comme il faut? De même quand on écoute quelqu’un qui nous instruit, le premier devoir est de bien entendre ce qu’il dit, le second d’y répondre à propos, comme la conception et la grossesse précèdent l’enfantement. Lorsque les oiseaux pondent des oeufs sans germe, appelés «oeufs conçus par le ventre », on dit qu’il n’en résulte que des débris imparfaits et des embryons inanimés. De même, quand les jeunes gens ne savent pas écouter et qu’ils n’ont pas été habitués à tirer quelque profit de l’audition, leur parole est comme un oeufs sans germe. Ce sont mots « Dispersés dans les airs, stériles, insaisissables. »
Il n’est personne qui, pour verser une liqueur d’un vase dans un autre, ne les incline tous les deux, et n’adapte ensemble les ouvertures, afin que rien ne se répande. Mais peu de gens savent ainsi s’accommoder à une personne instruite qui leur parle, et lui prêter assez d’attention, pour ne rien laisser échapper de ce qu’elle dit d’utile. Et ce qui est le comble du ridicule, s’ils rencontrent quelqu’un qui leur fasse le récit d’un souper, d’une cérémonie, d’un songe ou d’une altercation injurieuse qu’il vient d’avoir, ils l’écoutent en silence et supplient le conteur d’achever son récit. Mais si un autre personnage, après avoir attiré à soi des auditeurs, entreprend de leur enseigner quelque vérité utile, de les avertir de leurs devoirs, de les réprimander sur leurs fautes, d’adoucir leur humeur chagrine, ils n’ont garde de l’écouter. Et même, pour peu qu’ils en soient capables, ils contredisent avec chaleur les propos du raisonneur, ils tâchent de rester victorieux dans la discussion, et s’ils n’y peuvent réussir, ils prennent la fuite et vont écouter ailleurs des propos différents et frivolissimes.
Leurs oreilles semblables à ces vases usagés et ébréchés se remplissent de tout, excepté de ce qu’il leur importerait de savoir. Un bon écuyer s’applique à former la bouche de sa monture pour la rendre obéissante au frein. De même un sage éducateur rend son élève docile à la raison. Il l’accoutume à beaucoup écouter et à parler peu. Spintharos louait Épaminondas en ces termes « Il me fut difficile de rencontrer quelqu’un qui fût plus savant que lui et qui parlât si peu. » On dit encore que la nature, en nous donnant deux oreilles et une seule langue, voulut nous obliger à moins parler pour mieux entendre. »[Plutarque : Comment écouter 100 après J.-C, Rivages poche n° 150]
(Surtout connu pour ses Vies Parallèles des hommes Illustres, Plutarque célébré par Montaigne et Rousseau, a aussi écrit nombre de petits Traités d’inspiration stoïcienne. On analysera dans l’extrait les causes de la mauvaise écoute et ses conséquences. La mode actuelle multiplie les stages d’écoute (en entreprise ou ailleurs). Dans l’antiquité c’est ceux que l’on appelait les moralistes qui faisait le travail des psychologues ou conseillers en communication. Si les noms changent, il est frappant de voir comme les analyses et les conseils restent identiques.
*Descartes apprend à lire à Elisabeth : Qu’est-ce qu’une lecture analytique ?
(En 1644, Descartes publie Les principes de la philosophie, une sorte de manuel cartésien dédié à la princesse palatine Elisabeth de Bohême avec laquelle il entretient une correspondance qui aboutira en 1649 au traité des Passions de l’âme. Voici la méthode qu’il conseille pour lire un texte réflexif.)
[Descartes, Les principes de la philosophie, Lettre préface, Pléiade p 560]
* Descartes nous apprend à lire le titre d’un livre : comment se préparer à une lecture active.
« J’ai l’esprit ainsi fait, je l’avoue, que j’ai toujours considéré comme la plus grande volupté de l’étude, non point d’écouter les raisonnements d’autrui, mais de les découvrir moi‑même par mes propres ressources; cela seul m’ayant attiré, jeune encore, vers l’étude des sciences, chaque fois qu’un livre promettait par son titre une nouvelle découverte, je n’en poursuivais pas la lecture avant d’essayer si par hasard je ne pourrais aboutir à quelque résultat du même ordre grâce à la sagacité qui m’est propre, et je prenais grand soin de ne pas me gâcher par une lecture précipitée ce plaisir innocent. Cela me réussit si souvent que je finis par me rendre compte que ce n’était plus, comme d’ordinaire chez les autres, par des enquêtes errantes et aveugles, faisant appel au hasard plus qu’à la méthode, que je parvenais à la vérité, mais qu’une longue expérience m’avait permis d’apercevoir certaines règles, qui ne sont pas d’un faible secours à ce dessein, et dont je me servis ensuite pour en découvrir plusieurs autres. »
* Kant nous rappelle que réfléchir ne se réduit pas à mémoriser. Apprendre la philosophie (dogmatisme) à philosopher (esprit critique)
[Kant, Annonce du programme des leçons du semestre d’hiver 1765-1766, trad. Fichant, p. 65-66]
« Comment la philosophie se pourrait-elle, même à proprement parler, apprendre ? En philosophie, chaque penseur bâtit son oeuvre pour ainsi dire sur les ruines d’un autre ; mais jamais aucune n’est parvenue à devenir inébranlable en toutes ses parties. De là vient qu’on ne peut apprendre à fond la philosophie puisqu’elle n’existe pas encore".
(Kant ne dit pas que l’esprit critique et la réflexion se forme indépendamment de tout contenu : sans fréquenter les philosophes. « Sans connaissances, on ne deviendra jamais philosophe », écrit-il dans la Logique. Il reconnaît lui-même que c’est la lecture de Hume qui l’a tiré de son « sommeil dogmatique ».
« Ce qu’on nomme bon sens est très souvent dénué de tout sens. Le bon sens se tient aux vérités de son temps; ainsi, avant Copernic, il eût été contraire à tout bon sens d’affirmer que la terre tourne autour du soleil ou, avant la découverte de l’Amérique, qu’il existe un autre continent. En Inde, en Chine, la république est contraire à tout bon sens. Celui-ci est la manière de penser d’un temps, et cette manière fait place à tous les préjugés de ce temps; les déterminations mentales lui imposent inconsciemment leur règle. »
Introduction de la dissertation : Pour comprendre qu’introduire une question c’est souvent énoncer une opinion de « bon sens » et la questionner.
* Hegel nous rappelle que citer (sans exploiter) n’est pas penser et qu’il faut éviter les « passages en revue »
[Hegel, Leçons sur l’histoire de la Philosophie, introduction du cours de Berlin, Trad. Gibelin, Idées/Gallimard]
* Alain nous rappelle qu’accepter de se contrarier c’est se conserver des ouvertures…
« Il ne faut pas orienter l’instruction d’après les signes d’une vocation. D’abord parce que les préférences peuvent tromper. Et aussi parce qu’il est toujours bon de s’instruire de ce qu’on n’aime pas savoir. Donc contrariez les goûts, d’abord et longtemps.
[Alain – BAC STT]