M - Platon Primauté de la parole sur l'écrit

Publié le par Maltern

M - Platon Primauté de la parole sur l'écrit

[Langage L / ES]

Platon 417-347av. J-C : Phèdre

T. 232 : La parole vive est plus proche du vrai que l'écrit qui n'en est qu'une peinture. Suprématie du dialogue vivant sur l'information. Le mythe de Theuth (ou Toth.)

 

« Socrate - Eh bien ! j'ai entendu dire que, du côté de Naucra­tis en Égypte, il y a une des vieilles divinités de là-­bas, celle-là même dont l'emblème sacré est un oiseau qu'ils appellent, tu le sais, l'ibis ; le nom de cette divinité est Theuth. C'est donc lui qui, le premier, découvrit le nombre et le calcul et la géométrie et l'astronomie, et encore le trictrac et les dés , et enfin et surtout l'écriture. Or, en ce temps-là, régnait sur l'Égypte entière Thamous, qui résidait dans cette grande cité du haut pays, que les Grecs appellent Thèbes d'Égypte. [...] Theuth, étant venu le trouver lui fit une démonstration de ces arts et lui dit qu'il fallait les communiquer aux autres Égyptiens. Mais Thamous lui demanda quelle pouvait être l'utilité de chacun de ces arts. Quand on en fut à l'écriture : « Voici, ô roi, dit Theuth, le savoir qui fournira aux Égyptiens plus de savoir, plus de science et plus de mémoire ; de la science et de la mémoire le remède a été trouvé. » Mais Thamous répliqua : « Ô Theuth, le plus grand maître ès arts... autre est celui qui peut engendrer un art, autre, celui qui peut juger quel est le lot de dommage et d'utilité pour ceux qui doivent s'en servir. Et voilà maintenant que toi, qui est le père de l'écriture, tu lui attribues, par complaisance, un pouvoir qui est le contraire de celui qu'elle possède. En effet, cet art produira l'oubli dans l'âme de ceux qui l'auront appris, parce qu'ils cesseront d'exercer leur mémoire : mettant, en effet, leur confiance dans l'écrit, c'est du dehors, grâce à des empreintes étran­gères, et non du dedans, grâce à eux-mêmes, qu'ils feront acte de remémoration; ce n'est donc pas de la mémoire, mais de la remémoration, que tu as trouvé le remède. Quant à la science, c'en est le simulacre que tu procures à tes disciples, non la réalité. Lors donc que, grâce à toi, ils auront entendu parler de beaucoup de choses, sans avoir reçu d'enseignement, ils semble­ront avoir beaucoup de science, alors que, dans la plupart des cas, ils n'auront aucune science ; de plus, ils seront insupportables dans leur commerce, parce qu'ils seront devenus des semblants de savants, au lieu d'être des savants.»

[Platon, Phèdre, 274b-275b, Trad Brisson GF p 177-178]


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