Bachelard [16] La science comme « phénoménotechnique » l’effacement des frontières entre théorie et technique dans les sciences.

Publié le par Maltern

Bachelard [16] La science comme « phénoménotechnique » l’effacement des frontières entre théorie et technique dans les sciences.

 

[Le triomphe des sciences appliquées au 19ème remet en cause l’étanchéité de la séparation science/technique. La « science technique » [techno-sciences] n’énonce plus seulement les lois de la nature, elle produit les phénomènes, c’est une « phéno­ménotechnique ». Et « la science est moins une science de faits qu’une science d’effets ».]

 
 
 

« De même qu’une technique particulière enjoint de bâtir une ville entière, une ville-usine, pour créer quelques atomes de plutonium, pour loger quelques corpuscules de plus dans l’infime noyau d’un atome, pour y susciter une énergie monstrueuse, une énergie sans commune mesure avec les forces de la tempête, de même une énorme préparation théorique réclame l’effort de toute la cité théorique.

 

Et les deux sociétés, la société théorique et la société technique, se tou­chent, coopèrent. Pour l’atteindre, il ne suffit pas d’approfondir une clarté spirituelle native ou de refaire, avec plus de précision, une expérience objective courante. Il faut résolument adhérer à la science de notre temps. Il faut d’abord lire des livres, beaucoup de livres difficiles et s’établir peu à peu dans la perspective des difficultés. Là sont les tâches. Sur l’autre axe du travail scientifique, du côté technique, il faut manier, en équipe, des appareils qui sont souvent, d’une manière paradoxale, délicats et puissants. Cette convergence de l’exactitude et de la force ne correspond, dans le monde sublunaire, à aucune nécessité naturelle. En suivant la physique contemporaine, nous avons quitté la nature, pour entrer dans une fabrique de phénomènes.

 

Objectivité rationnelle, objectivité technique, objectivité sociale sont désor­mais trois caractères fortement liés. Si l’on oublie un seul de ces caractères de la culture scientifique moderne, on entre dans le domaine de l’utopie. »

 
 
 

[Bachelard, L’Activité rationaliste de la physique contemporaine, 1951, PUF1965, pp. 9-10.]

 
 
 
 

 
 

Le monde de la nature d’ici-bas/monde des idées [Platon]

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